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La Geste d'Orphée- I. La douleur d'Orphée
I – La douleur d’Orphée
J’avais tout pour nous deux, je possédais le monde
J’étais un parmi vous, je marchais fièrement
Sous un soleil radieux
Je traversais la vie, je traversais le temps
Sans m’arrêter jamais, sans humeurs vagabondes
J’étais le plus heureux.
J’ignorais que le temps et le bonheur se payent,
– La jalousie des Dieux - un carat pour chaque an
En plus des pots-de-vin.
Ce que Zeus vous donne Hadés le reprend
Quand passé le printemps vint l’hiver des corneilles,
Je lui en devait vingt.
Le serpent réveillé s’est dressé telle une hydre.
Et ta chute sans ailes stoppée par le ruisseau
Après qu’il t’eût mordu.
Je t’ai trouvé couchée, Dryade au regard vide
Eurydice ma beauté pâle comme un tréseau,
Et j’avais tout perdu.
Je me suis retranché au fort de tes pensées
J’ai tout abandonné: le confort, l’habitude,
Les amis et les lieux.
J’ai passé de longs mois d’intense lassitude.
Je ne voulais plus rien, ni futur, ni passé
Juste des larmes aux yeux.
Aujourd’hui, je n’ai rien qu’un abri de fortune,
Ma lyre, la compagne de toutes mes journées
Joue les refrains passés
Et même si je ne fais qu’un seul repas diurne
Ma force reste entière comme ma volonté
Pour venir te chercher
Reviennent les souvenirs des exploits accomplis
Alors que sur l’Argos j’étais chef de nage
Je rythmais les brassées
La toison d’or était le but de ce voyage
Jason nous commandait avec rage et folie.
Nos peurs atténuées
Nous avancions vainqueurs vers des iles offusquées
Argonautes toujours le couteau en alerte
Ou veillant à misaine
Ma lyre se jouant en douce mélopées
Qui des Dieux ou du sort demandaient notre perte
Ou du chant des sirènes.
Moi un enfant de Thrace, le fils de Calliope
Moi l’Aède sacré aux chants cosmogoniques
Je ne puis te sauver?
Les déesses m’ont fait don de douceurs érotiques
J’ai choisi Eurydice et non pas Pénélope
Et je l’ai égarée
J’ai survécu dix vies et je n’ai qu’une mort.
Si je dois affronter les Dieux pour te revoir,
A ton sort t’arracher
Je construirais un pont de mon jour vers ton soir
Des bateaux, je tiendrais debout sur leurs sabords,
Des monts, sur leurs rochers.
Tags : j’etais, j’ai, passe, vie, moi
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