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II – Orphée va chercher Eurydice
Écoutes ô ma douceur
Ce que conte ma lyre
Et apprends de son chant
Ce qu’il advint de moi
Elle te dira les peurs
Les doutes et le désir
Tous les enchantements
Qui m’ont conduit vers toi:
***
J’ai vécu dans les affres
de ta disparition
J’étais comme une fluxion
Sans son baume de camphre
Alors que je pleurais
Ta perte ô mon trésor
La cohorte du Nord
En songe vint me parler
Il existe un passage
Et nous l’avons trouvé
Dit cette folle équipée
Comme unique message
Mets tes pas vers l’Averne
Armes toi d’un kopis
Pour chercher Eurydice
Nul besoin de basterne
Arrivé aux enfers
Protégé par le Styx;
Et ses têtes, en tout: Six!
Tu trouveras cerbère
Dans un combat loyal
Tu devras le mâter
Par ton chant appâter
Ce Dieu cynocéphale
Pour passer la rivière
Il te faudra Charon
Pour prix te suffiront
Une pièce et une bière
Vaincre les Euménides
Sera ton heure de gloire
Si tu sais les asseoir
Les Enfers seront vides
Seul Hadés sur son trône
Te sera un obstacle
Donne lui en spectacle
Le plus tremblant des prônes
Si tu sais le fléchir
Eurydice tu auras
Gardes-là à ton bras
Et sors! Sans réfléchir.
Voilà ce qu’ils m’ont dit
Ma douce, et me voilà
J’ai bravé pas à pas
Tout ce qu’il m’ont décrit
Une épreuve il me reste
À Hadés je dois
conter tous mes exploits
pour ta grâce céleste.
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I – La douleur d’Orphée
J’avais tout pour nous deux, je possédais le monde
J’étais un parmi vous, je marchais fièrement
Sous un soleil radieux
Je traversais la vie, je traversais le temps
Sans m’arrêter jamais, sans humeurs vagabondes
J’étais le plus heureux.
J’ignorais que le temps et le bonheur se payent,
– La jalousie des Dieux - un carat pour chaque an
En plus des pots-de-vin.
Ce que Zeus vous donne Hadés le reprend
Quand passé le printemps vint l’hiver des corneilles,
Je lui en devait vingt.
Le serpent réveillé s’est dressé telle une hydre.
Et ta chute sans ailes stoppée par le ruisseau
Après qu’il t’eût mordu.
Je t’ai trouvé couchée, Dryade au regard vide
Eurydice ma beauté pâle comme un tréseau,
Et j’avais tout perdu.
Je me suis retranché au fort de tes pensées
J’ai tout abandonné: le confort, l’habitude,
Les amis et les lieux.
J’ai passé de longs mois d’intense lassitude.
Je ne voulais plus rien, ni futur, ni passé
Juste des larmes aux yeux.
Aujourd’hui, je n’ai rien qu’un abri de fortune,
Ma lyre, la compagne de toutes mes journées
Joue les refrains passés
Et même si je ne fais qu’un seul repas diurne
Ma force reste entière comme ma volonté
Pour venir te chercher
Reviennent les souvenirs des exploits accomplis
Alors que sur l’Argos j’étais chef de nage
Je rythmais les brassées
La toison d’or était le but de ce voyage
Jason nous commandait avec rage et folie.
Nos peurs atténuées
Nous avancions vainqueurs vers des iles offusquées
Argonautes toujours le couteau en alerte
Ou veillant à misaine
Ma lyre se jouant en douce mélopées
Qui des Dieux ou du sort demandaient notre perte
Ou du chant des sirènes.
Moi un enfant de Thrace, le fils de Calliope
Moi l’Aède sacré aux chants cosmogoniques
Je ne puis te sauver?
Les déesses m’ont fait don de douceurs érotiques
J’ai choisi Eurydice et non pas Pénélope
Et je l’ai égarée
J’ai survécu dix vies et je n’ai qu’une mort.
Si je dois affronter les Dieux pour te revoir,
A ton sort t’arracher
Je construirais un pont de mon jour vers ton soir
Des bateaux, je tiendrais debout sur leurs sabords,
Des monts, sur leurs rochers.
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Une Oeuvre inspirante de Peintrefiguratif
http://peintrefiguratif.over-blog.com/
Les eaux enfuient suintent encor
dans ce qui reste de décor;
Et les mouvements de ce corps
qui mime l'amour du Taï-Chi.
Le feu consume la cité,
l'air à des relents de déchets,
Sous la bienveillance enneigée;
le doux regard du mont Fuji.
Sur le sentier des Samouraïs
qui partaient au champ de bataille
près de la ville de Sendaï,
on apercevait les Geishas;
leurs yeux étaient extraordinaires
et la grâce de leurs manières
était devenue légendaire
dans le théâtre No des Rois.
Mais aujourd'hui ce qu'il en reste
ne peut qu'être un peu plus funeste;
les eaux empoisonnées de peste
ont pour nouveau nom:Tsunami.
Et le bourdon pointe son dard
sur les effluves de sang noir;
et comme sur un écritoire
en blanc le symbole Kenji.
"Energie" c'est ce qu'il veut dire.
Ils ont connu des jours bien pires
qui ont manqué tuer l'Empire
Mais l'Empereur est toujours là!
Tant qu'il y aura de la musique,
ils braveront les fleurs toxiques
des souvenirs catastrophiques:
Hiroshima, Fukushima!
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Les transports urbains sont l'occasion de multiples échanges muets. Ce sont d'abord des gens qui se reconnaissent pendant le trajet matinal; un petit sourire esquissé qui signifie: "Vous êtes là vous aussi".D'un œil complice, ils se souhaitent bonne chance pour la journée de travail qui s'annonce et se donnent sans mots dire rendez-vous le lendemain. A force d'habitude et après des semaines de chemins commun, il arrive qu'ils bredouillent un timide "bonjour". Mais jamais plus.
Pour ma part, j'en étais au stade des premiers regards avec la femme qui s'asseyait chaque matin en face de moi.Ces petits regards furtifs qui dès qu'ils touchent les yeux de l'autre vont se perdre immédiatement dans la contemplation inutile d'un plafond inintéressant Je montais deux arrêts avant elle, et dans ce début d'itinéraire quotidien, le premier tram comptait peu de voyageurs. Le trajet durait trois quarts d'heure, nous laissant à la même station où sans perdre de temps j'empruntais un chemin différent du sien. pendant des mois, nous nous sommes retrouvés presque quotidiennement. Avec le temps nos regards devinrent plus appuyés, nos sourires moins timides. Un jour d'exceptionnelle abondance d'usagers, je la vis péniblement se frayer un chemin pour arriver jusqu'à moi, sa place habituelle étant occupée, je lui cédais mon siège. Elle me fit un signe de tête, auquel je répondis par un je vous en prie bredouillant; je restais debout près d'elle, un peu en retrait, mon regard en plongée sur sa chevelure brune. Quelques soubresauts de la rame nous firent nous toucher. Désormais, chaque jour nous cherchions un moyen silencieux de nous approcher, de nous frôler;elle enjambait le porte-serviette que je prenais soin de placer sur sa route ou contournait la poussette qu'une maman avait laissé en plein milieu Un jour, elle ne vint pas, et resta absente une semaine entière. Tout d'abord étonné, je fus vaguement inquiet de ne plus la voir. La semaine suivante, je la voyais monter, et j'en fus soulagé; ce jour-là en silence mes yeux lui demandèrent si elle allait bien, tandis que les siens me firent comprendre que oui, elle se portait mieux.Rassuré, nous reprîmes notre jeu silencieux. Puis les congés arrivèrent et ce ne fut que trois semaines plus tard que je la vis remonter dans la rame. Je regardais son bronzage en la questionnant de mes silences et elle me répondait par ses regards muets.
Un matin, elle arriva avec un épais dossier qu'elle commença à compulser à peine assise. Je comprenais l'importance que devait avoir ce travail et ne voulais pas la déranger même si j'étais un peu vexé qu'elle ne m'accorde pas juste un coup d’œil. Elle a du sentir que je la fixais, car elle leva les yeux soudainement et les planta dans les miens avant de replonger dans ses papiers, me signifiant ainsi qu'elle avait noté ma présence et que ce n'était pas le moment de la déranger par de futiles œillades. Je rongeais mon frein en silence. Le lendemain, alors qu'elle prenait place, je concentrais mon attention sur la circulation alentour, je perçu l'humidité de son regard et ses reproches muets m'assaillirent. Comment pouvais-je être aussi méchant? semblait-elle me crier. elle avait un important dossier en retard et n'avait pu m'accorder l'attention nécessaire à nos échanges quotidiens. Notre terminus approchait, et je ne démordais pas de mon indifférence à son égard. Lorsque la rame s'arrêta, je me levais le premier et accrochais ses yeux qui cherchaient les miens; elle sourit, je fis de même. Sa main toucha la mienne alors que je récupérais mon attaché-case; elle m'avait pardonné.
Ce soir-là, je cherchais un moyen d'entamer une conversation qui soit digne de nos échanges muets. Un simple bonjour aurait été comme un coup de fouet sur une peau fragile. je tournais et retournais la question sans trouver de réponse qui soit satisfaisante et j'en arrivais à la conclusion que peut-être nous étions allés trop loin dans nos silences Au Diable! Pensais-je, d'une manière ou d'une autre il fallait que je l'aborde.
C'est accompagnée d'une amie qu'elle prit le tram, ce matin ou j'avais décidé de lui parler. En silence elles s'assirent côte-à-côte. Elle croisa mon regard, s'assurant ainsi que j'avais toute son attention. Des minutes défilèrent les yeux dans les yeux, regard contre regard. Soudainement, le fil se rompit, elle tapota l'épaule de son amie qui se retourna vers elle. Elle leva les mains et dans une danse extraordinaire les fit se mouvoir dans l'air; elle déployait ses doigts, les refermaient, pointait un index sur son amie puis le retournait sur elle; le plat de sa main gauche vint frapper son poing droit fermé; elle porta sa main au menton et à son front, puis tout cessa. Alors son amie levant les mains à son tour, entama un ballet similaire mais en parlant, cette fois:
- Je le sais bien que tu t'appelles Roxanne et que tu es célibataire, tu es devenue folle ou quoi?
Son regard revint vers moi "Alors tu as compris?" me dirent ses yeux.
Elle reprit la conversation avec son amie qui lui répondit étonnée.
- Comment-ça tu ne sais pas si tu as bien mis ton téléphone sur vibreur, ben t'as qu'à prendre le mien et t'envoyer un SMS.... Tu ne te souviens plus de ton numéro, c'est le 06.330.071. Mais qu'est-ce qui t’arrive ce matin? Et puis je ne comprend pas pourquoi tu m'a demandé de t'accompagner au travail!
Son regard recroisa mes yeux. Oui, moi j'avais compris.
Chaque matin, nous montons ensemble à la même station. Roxanne s'assied en face de moi et pendant trois quart d'heure ses yeux me disent je t'aime. Nous descendons à la même station où j'emprunte un chemin différent du sien. J'apprends la langue des signes. Le reste n'est qu'une histoire de textos.
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Une Oeuvre de Elodie Belllule qui a accroché mon regard et inspiré ce texte
"Flamboyance" Par Elodie Belllule
http://www.confidences-libellule.com/
Voyez! A l'écart de ce champ où le soir tombe
s'enflammer le vallon du côté de l'ubac
menacé de Soleil et dont l'immense flaque
inonde de son sang les choses et les nombres
l'Hêtre grandiloquent entre dans la pénombre
tout chargé de tisons par une voûte qui craque
l'effet choisit la cause et l'arbre son monarque
et l'ordre est respecté sous des cieux qui se plombent
La ligne est affirmée entre soir et lumière
entre aube et crépuscule le renouveau du cycle
le mouvement des sèves écoulements qui giclent
dans cet effondrement de tons élémentaires
entre nuit et aurore jusqu'à l'aube première
de la distanciation des humeurs volcaniques
jusqu'au déchirement des forces telluriques
et les emportements des efforts volontaires
La nature sans témoins sait cacher ses embâcles
où la ligne est tracée entre soir et lumière
entre nuit et aurore jusqu'à l'aube première
les couleurs de la vie renouveau du spectacle
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